Lendemains de campagne (1/2)
Si je regarde en arrière, cette campagne présidentielle me laisse néanmoins une impression étrange. Un mélange de détachement et de regrets. Dimanche soir à 20h, je n’ai ressenti ni surprise ni vraie émotion. Ce résultat était annoncé et la victoire de l’un comme la défaite de l’autre - ou inversement – n’avait valeur ni de bonheur intense ni de drame absolu pour moi. Car pour la première fois, j’ai voté blanc. Une option que j’aurai trouvé absurde il y a quelque années, partant du principe qu’à défaut d’un choix évident et enthousiasmant, il y a toujours une solution meilleure (ou moins pire) que l’autre, ne serait ce qu’à la marge. Et pourtant, moi qui déteste tant l’indécision, l’incapacité à trancher, cette fois, je n’ai pas eu envie de choisir. En fait, il n’y a pas nécessairement contradiction ; il serait plus exact de dire que je ne suis pas arrivé à trancher. Et par rapport à d’autres élections, je n’ai pas voulu cette fois céder à une habitude, un réflexe pavlovien, un courant bien pensant, voire au manichéisme parfois ambiant. J’ai fait mien le principe « dans le doute, abstiens toi ». D’ailleurs, je suis resté dans la logique qui avait été la mienne au premier tour, en dépit de la danse du centre des deux finalistes.
Mais de ce choix, ou plutôt des causes de ce choix, découle une certaine frustration. Celle de ne pas avoir trouvé dans un camp ou dans l’autre un projet sinon séduisant, du moins cohérent et réaliste par rapport à mes valeurs, et à ce que je crois souhaitable et possible pour notre pays. La campagne a permis l’émergence de nouvelles têtes, les discours ont évolué, parfois par delà les lignes habituelles, tandis qu’une prise de conscience s’est faite jour sur des thématiques autrefois passées sous silence. Pour autant, la démagogie a encore une fois eu trop de place, bien aidée par la simplification qu’affectionne tant le média télévisuel notamment. On a encore beaucoup promis, exagéré, caricaturé et donc au final trompé ceux qui y ont cru, sincèrement. On a pu oublié que la politique c’est certes le pouvoir de changer les choses mais dans une certaine limite.
Des regrets aussi m’habitent, au fond de moi. La personnalité du nouveau président, caractérisée par un ego hypertrophié, et certaines de ses méthodes, m’exaspèrent profondément par de nombreux aspects et les derniers mois n’ont pas atténué cette impression, au contraire. Et ce n’est pas l’article – certes instruit à charge – de Marianne sorti entre les 2 tours qui va y contribuer. Mais si je ne voulais pas sa victoire (au moins pour le plaisir d’imaginer sa réaction en cas de défaite), je ne souhaitais pas non plus tomber dans le « tout sauf Sarkozy ». Et puis le personnage Ségolène, malgré la fraîcheur qu’aurait inévitablement apporté une femme au sommet de l’Etat, ne me paraissait pas non plus exempt de tout reproches. Quant aux programmes respectifs des candidats, à l’excès de libéralisme de l’un répondait le manque de réalisme de l’autre. En fait mon regret vise sans doute davantage le camp Royal que Sarkozy. Si le PS avait su opter pour un socialisme moderne, une sorte de 3ème voie plus proche de la sociale démocratie que de l’ambigu grand écart avec les non-istes européens, les rescapés communistes et les pseudos révolutionnaires, j’aurais alors probablement fait un choix (assez) convaincu. De même si la candidate avait su enterrer le doute qu’elle a pu semé en moi par des déclarations parfois surprenantes, une ligne directrice souvent trop floue, une mise en avant exagérée du « je », de l’image, du pathos ; je ne doute pas de ses capacités mais je trouve qu’elle ne les a pas vraiment mises en avant, ou pas les bonnes. Elle a peut être aussi trop cru en sa bonne étoile, donnant parfois l’image d’une dilettante qu’elle n’est assurément pas. Et évidemment, les mêmes médias qui ont contribué à son ascension en la mettant en avant, n’ont pas manqué l’occasion de la fustiger, parfois de manière exagérée et injuste comparée à l’autre camp. Sauf que là, je ne voulais pas (plus) un vote par défaut, 2002 m’ayant déjà suffit, même si je n’avais eu alors aucune hésitation. D’une certaine façon, mon état d’esprit a été – voire est encore – tiraillé entre le cœur (mode « ah si seulement… ») et la raison. Et cette année, la raison l’a emporté.
Malgré tout, comme à chaque lendemain d’élections, je suis plus dans l’attente voire l’impatience que dans la peur ou la résignation. Il faut laisser sa chance au nouvel entrant et ne pas condamner par avance son action, même si, comme titrait joliment le Canard Enchaîné cette semaine, « Ca commence Malte » ; quelques paroles dimanche soir et cette forme décomplexée et assumée de La croisière s’amuse m’ont pourtant gênées voire choquées, encore plus quand on les mets en parallèle avec certains discours entendus il y a peu. Mais chassez le naturel, il revient au galop serait on tenté de dire. Néanmoins j’entrevois des signes d’ouvertures intéressants et puis je suis également convaincu que ce futur gouvernement pourra apporter des réformes positives, peut être même salutaires. Mon seul souci est plutôt qu’il ne casse pas le fameux « modèle français » ni les équilibres (déjà mal en points) de notre société, dans le mouvement et les changements qu’il mettra en œuvre, ni que la provocation et l’opposition des individus les uns aux autres deviennent une constante.
Quelque part, j’ai même une certaine hâte de voir comment le nouveau président entends résoudre concrètement certains problèmes, affronter dans le réel des sources potentielles de conflit, résoudre les contradictions qu’il n’a pas manqué de se créer au cours de sa campagne…Impatience aussi de voir comment le PS va se relever, quels enseignements il va tirer, quelle voie il va adopter (clarification idéologique et aggiornamento à la clé ? poursuite du consensus mou ?) et de quelle manière l’UDF va poursuive sa voix entre Mouvement Démocrate et ralliement à l’UMP.
Et puis une bonne nouvelle (et surprise même pour moi) dans ce scrutin, donc un motif de se réjouir, quelles que soient les opinions que l’on puisse avoir: la participation aura été massive et l’intérêt très fort tout au long de la campagne.
2 commentaires:
Aux résultats du second tour, et non pas de la finale_quel terme disgracieux envers notre démocratie_, ce qui m'a choqué, les journalistes ont dit qu'au deuxième tour il y avait eu 40% d'abstention. Ca s'est faux, il y a eu 20% de votes blanc contre nicolas et contre ségolène. Ce terme d'abstention me déplait, une abstention traduit littéralement du latin un manque, une absence, ce qui n'était pas le cas, ces votes n'étaient pas dénués de convictions.
4 mois plus tard, ce qui m'exaspère c'est de voir encore Sarkozy en première page du Monde écrit en toutes lettres. Les élections sont passées, je ne veux plus voir de battage médiatique sur la gauche ni sur la droite au sujet de l'élection présidentielle. Les actions du gouvernements oui, les projets de loi oui, pas sarko ou jospin.
J'ai l'impression que les médias ne jouent plus leur role. En recopiant les idées du jour politiques, en préparant le terrain pour les prochaines actions du gouvernement (exemple fonte de l'arctique en première page ce matin, article hier sur le partage de l'arctique), des points d'action facile, histoire de nous amener à faire pression sur ces états au vu de la fonte, de remettre kyoto sur la scène dans quelques semaines ou mois, et d'obtenir en compromis la délégation de souveraineté au près de l'ONU de ce territoire. Et accessoirement de ne pas donner des avantages aux compagnie pétrolières concurrentes.
Je dis ca, mais je serai heureux de voir les interets immo déduits de mes impots, enfin si j'achète un appart, et si je suis en couple... ok, ca fait bp de si.
Et de voir les retraites spéciales remises dans le régime général, avec les favoritismes fonctionnaires réduits à une plus juste valeur.
Vive la Démocratie
4 mois plus tard, quel est ton avis ?
4 mois plus tard je crois que je réécrirai ce billet mots pour moi ou presque. Et je ne regrette pas mon choix…ou plutôt mon non-choix.
J’étais d’une certaine façon curieux de voir ce que Sarko allait donner ; je vois…pas de réelle surprise, du changement, de la continuité, des choses intéressantes, ou disons sans doute nécessaires, d’autres qui me gênent, et ça aussi bien sur le fond que sur la forme. Mais bon on est au début seulement donc j’attendrai pour une opinion plus tranchée !
Et en face, pas grand-chose de nouveau…souvent affligeant, là aussi sur le fond comme sur la forme.
Quant au rôle des médias, ça fait belle lurette que je ne compte plus sur la télé pour m’informer (mais ai-je déjà compté sur elle ?) ; pour la presse écrite, j’use tous les supports sur un large spectre et je ne serais pas trop critique. Mais j’apprécie toujours beaucoup Marianne pour le regard un peu plus distant et le Canard pour les petits dessous cachés !
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