L'heure du choix
Depuis un mois je sais « à peu près » pour qui je vais voter. « A peu près » car il n’y a pas un candidat en particulier qui m’ait donné une envie irrémédiable de voter pour lui ; aussi les lectures et discussions que j’ai pu avoir ces dernières semaines n’ont pas été inutiles pour confirmer cette tendance initiale et arrêter mon choix.
Si cette élection est cruciale, paradoxalement, je suis assez détaché pour ne pas dire assez résigné par rapport à ce qui va en résulter. En fait, quel que soit le vainqueur, je crains qu’une fois de plus le pouvoir politique et le peuple dans son ensemble ne soient pas à la hauteur des enjeux. Car après avoir retardé des années durant des réformes indispensables à l’avenir de notre pays et au maintien de certaines de ses spécificités, je suis peu convaincu que cette élection va réellement changer la donne et déclencher l’électrochoc nécessaire; la faute à une classe politique qui manque de courage et de vision et à un peuple qui est assez rétif à la réforme, surtout quand il est concerné par cette dernière dans son individualité. Dommage, car d’autres pays dans des situations comparables ont su faire leur aggiornamento ; mais on croit souvent en France qu’on peut réussir là où le reste du monde a échoué (le caractère gaulois sans doute), en oubliant en plus qu’à l’époque de la mondialisation on ne maîtrise plus notre destin que très partiellement. Et en dépit du renouvellement de génération et d’une certaine évolution dans les discours, cette campagne aura encore été souvent menée par le petit bout de la lorgnette, laissant trop de places à l’image, aux petites phrases et à la démagogie, et probablement ensuite à de nombreux espoirs déçus, et donc à une frustration qui fera le jeu des extrêmes.
Ma tiédeur tient également à l’état de mes convictions: je ne me reconnais que peu dans le clivage classique gauche-droite et je suis assez fatigué par cette vision manichéenne que chaque camp à de l’autre. Aux niveaux locaux, il est parfois difficile de distinguer une politique d’un exécutif tenu par la gauche d’un exécutif tenu par la droite, quand gauche et droite ne pratiquent pas la cogestion. Alors pourquoi au niveau national, faudrait il encore voir s’affronter les vieux schémas d’antan, à l’heure où il y a un consensus sur les problèmes voire sur certaines solutions (mais qu’on n’osent pas afficher publiquement) et qu’aucun camp ne détient la solution miracle. Et pourquoi notre voisin allemand peut-il former une coalition quand nous en serions incapable ?
Si 5 ans en arrière, je clamais dans tous mes entretiens que la question n’était pas de savoir si je ferais de la politique mais quand, aujourd’hui je doute beaucoup plus de mon engagement futur; j’aurais probablement du mal à me sentir à l’aise dans un parti, moi qui aime tant jouir d’une liberté de choix et de paroles. Dés lors, je me demande si délégué de classe ne restera pas la seule fonction élective que j’aurai exercé au cours de ma vie…D’où aussi un certain respect pour ceux qui s’engagent et militent, en espérant juste qu’ils conservent intact leur sens critique.
Pour en revenir à la matrice de mes convictions, ce sont sans doute les aspects économiques qui me paraissent les plus primordiaux (je ne renie pas pour autant e social mais celui-ci va pour moi de pair avec l’économique). Sans doute le fait d’avoir fait des études d’économies m’incite à avoir une approche que je qualifierai de « réaliste » (et qui paraîtra froide à certains), privilégiant les chiffres, la rigueur et une certaine orthodoxie budgétaire donc assez dépassionnée. Là ou d’autres croient pouvoir changer le monde, la société, les principes qui nous guident, en oubliant un peu trop à mon goût les échecs cuisants des quelques tentatives menées (de Lénine à Cuba)et la réalité de la nature humaine (il y a toujours des gens qui veulent être forts et riches), je suis beaucoup plus modéré pour ne pas dire résolu : la mondialisation, l’interdépendance des économies et le pouvoir des acteurs économiques font qu’un gouvernement n’est maître que partiellement du destin d’un pays ; comme Jospin l’avait dit « l’Etat ne peut pas tout ». De plus, le système capitaliste étant le seul qui marche, certes de manière imparfaite, comment certains peuvent ils en faire un gros mot, la cause de tous nos maux ? Sans doute, la mauvaise foi ou la conséquence d’une sous culture économique (à quand l’économie un enseignement obligatoire au lycée, comme la physique-chimie par ex. ?).
Pour autant, je n’en oublie pas que la politique doit aussi avoir une composante, un but social. Simplement la marge de manœuvre dépend en partie de critères comptables (à commencer par le fait d’avoir des budgets équilibrés, élément qu’on a oublié depuis longtemps) et puis la redistribution et la lutte contre les inégalités ne doivent pas décourager les initiatives indivuelles ni conduire à une égalité par le bas. Aussi, si dans l’absolu, je souhaiterais que l’on ait une politique sociale généreuse et ambitieuse, en pratique aujourd’hui, l’Etat Providence a en partie vécu. Dés lors, des réformes s’imposent et des sacrifices – ou plutôt des efforts partagés – le cas échéant. Pour autant je ne pense pas qu’il faille remettre en cause le « modèle français » ; lutter contre la gabegie nous redonnera déjà des marges de manoeuvre.
Quant aux questions dites « de société », elles peuvent être importantes mais ne me paraissent pas nécessairement primordiales et surtout ne sont plus un réel élément de clivage politique.
Mon approche est aussi peut être celle de quelqu’un de (relativement) privilégié, qui n’a pas (eu) à se plaindre, et n’a pas peur pour son avenir. Mais cela ne fait pas non plus de moi un égoïste, insensible à la détresse humaine et à la misère. Par contre, c’est clair, je ne crois pas aux utopies, du moins en politique, ni aux révolutions.
Dés lors, mes choix sur l’échiquier politique vont forcément vers les partis de gouvernement, les « modérés » : UMP, UDF, PS voire les Verts (pour une partie de leur programme). Mais une fois encore, je ne trouve que l’un plus que l’autre soit porteur de la seule parole digne d’intérêt, et du programme qui va avec. Le PS n’a pas encore choisi définitivement la voie de la modernité (pourtant adoptée par ses homologues européens) et l’UMP me semble souvent d’inspiration trop libérale (encore qu’il y ait de nombreuses composantes). Donc je serai plutôt centriste, non par indécision mais parce que il y a des choses à prendre dans les 2 camps et en étant plutôt modéré dans l’approche idéologique.
La cuvée 2007 a apporté du renouveau : une candidate socialiste qui casse un peu les lignes établies et un candidat UMP qui prône la rupture. Le problème c’est qu’après des mois de campagne, ni l’un ni l’autre, tout comme leurs partis, ne m’ont convaincu.
Sarko a beaucoup navigué, promis (et donc menti) et je doute fortement de sa volonté et de ses capacités à réformer (une fois au pouvoir la rupture deviendrait elle paroles, paroles… ?). De plus le personnage m’est de plus en plus déplaisant, notamment via ses dernières déclarations sur le déterminisme et ses clins d’œil aux extrêmes; le côté dynamique et moderne à laissé place à l’agitation, l’impatience voire la provocation et je ne suis pas sûr qu’un président doive avoir ces traits de caractère.
Quant à Ségolène, elle est pour moi restée très floue sur des réformes essentielles, qu’elle a osé qualifier de « techniques », préférant parler de choses essentielles et pas du tout émotionnelles, tels les crimes sexuels cette semaine…Du coup, je ne vois pas de ligne claire chez elle et je déteste sa manière souvent désinvolte de ne pas traiter certains sujets clés (ça fait d’ailleurs pas très bravitude comme attitude…) et d’oser dire « mon programme, c’est vous ». Comment fera t’elle une fois au pouvoir ? J’aurais trouvé bien qu’une femme devienne présidente mais ça n’en fait pas un argument de campagne.
Reste donc François Bayrou, qui manque selon moi cruellement de charisme et souffre sans doute – mais comme tout les politiques de premier plan (une condition sine qua non ?)- d’un égo quelque peu surdimensionné. Sans compter que son passage au Ministère de l’Education en a fait un modèle d’immobilisme. Mais au vu de son programme et de son approche, c’est celui dont je me sens le plus proche : moins de promesses inconsidérées, quelques mesures intéressantes, une relative modération idéologique dans les solutions (donc un équilibre relatif entre interventionnisme et libéralisme) et surtout cette volonté de dépasser ce clivage – plus ou moins artificiel – droite/gauche. Alors oui la question de la majorité de gouvernement peut se poser, tout comme je ne suis pas convaincu de sa volonté et capacité à mener à bien la réforme des retraites, de l’assurance maladie, la maîtrise des déficits publics (tout comme je ne le suis pas de ses adversaires)…mais pourquoi ne pas tenter ? Il est historiquement à droite mais en même temps n’est pas fermé à une alliance avec la gauche réformiste. Sans compter que mener à bien ces quelques réformes essentielles me semble subordonné à l’existence d’un certain consensus politique donc qui dépasse l’affrontement majorité – opposition (sinon c’est manifestations assurées et donc retrait du projet). Et puis l’UDF a toujours été pro-européenne et l’Europe c’est quand même une partie de notre avenir et salut (tandis qu’au PS et à l’UMP, il y a des « nonistes » ou des européens mous).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire