mercredi 25 avril 2007

Simon Boccanegra

On pense parfois que l’Opéra est un divertissement ennuyeux, réservé à une élite ou un public averti. Pourtant, inutile de sortir le nœud-pap et le smoking ; seules quelques mamies osent encore la tenue de soirées (sans doute l’occasion d’aérer leurs fourrures…). Par ailleurs, ma connaissance quasi nulle du genre et de la musique classique en général ne m’a jamais empêché de prendre (généralement) beaucoup de plaisir lors des quelques représentations que j’ai pu voir. Il suffit d’ouvrir grand ses yeux et ses oreilles et de se laisser bercer par la musique et le spectacle, parfois grandioses, régulièrement impressionnant.
Hier soir, j’ai eu l’occasion de découvrir l’Opéra de Paris, en l’occurrence Bastille, lors d’une représentation de Simon Boccanegra, mélodrame de Giuseppe Verdi. J’étais passé, un peu par hasard, aux guichets la semaine dernière et j’ai eu doublement de la chance: il restait non seulement des places mais, en plus, une offre spéciale permettait aux étudiants de bénéficier d’un siège (très bien placé) pour 10€ seulement ! (NB : pour les éventuels intéressés, l’opération est valable sur les représentations restantes ; peut être reste-t-il des places dispo.)
Quant on pénètre dans la salle de Bastille, l’impression est saisissante, à la hauteur du vaisseau imposant que l’on voit de l’extérieur : une profondeur et un dénivelé qui en jettent, surtout quand on se retourne et qu’on voit ces 2500 spectateurs. Petit bémol, si la visibilité est totale, les chanteurs semblent loin et il est donc difficile de distinguer leurs expressions.
Quant à l’œuvre proprement dite, j’avais eu la sage idée, avant de partir, de jeter un coup d’œil rapide au résumé du livret sur Wikipédia et ici, chose que je ne fais pas habituellement, afin d’avoir toute la surprise et aussi parce que la trame principale est souvent, pour ne pas dire toujours, la même: des histoires de cœurs tourmentées. Si Simon Boccanegra n’échappe pas à ce passage obligé, l’œuvre se double également d’une teneur politique, en abordant de front les tensions qui agitaient l’Italie à l’époque, opposants partisans de l’unité du pays et régionalistes. D’où un livret qui m’a semblé plus complexe et que j’ai parfois eu du mal à suivre. Cet aspect politique et le message de tolérance qui en ressort n’est évidemment pas fortuit dans le choix de programmer cet opéra en cette période d’élections. D’ailleurs, autre clin d’œil amusant mais pour le coup totalement fortuit (inspirée j’imagine par la révolution en Ukraine) : Boccanegra qui concourt à être doge de Gênes utilise le orange comme couleur de sa campagne ; aussi, quand on assiste à une de ses réunions électorales, on se croirait un instant à un meeting de Bayrou.
Au final, mon impression de cet opéra est bonne sans être extraordinaire. J’ai trouvé la mise en scène très (trop) minimaliste, notamment du fait d’un décor réduit à rien ou presque (un podium de réunion politique) ; or pour moi, ça fait partie de l’apparat. Quant à la partie musicale, je l’ai trouvé agréable mais pas inoubliable : il n’y a pas d’airs ni de mouvement de l’orchestre définitivement marquants comme il en existe dans d’autres opéras de Verdi ou autres. Mais si Simon Boccanegra ne m’a pas paru avoir la magie de La Flute Enchantée, l’émotion de Lucia Di Lammermoor, la gaieté de la Vie Parisienne ou l’exotisme d’Aida, autant de spectacles dont je garde un souvenir plus vivace et enthousiaste, comme à chaque fois que je vais à l’Opéra (à une exception près où je m’étais ennuyé à mourir), j’ai passé un bien agréable moment, une sorte de parenthèse où l’on se laisse transporter par la sensibilité ou à la force qui se dégage de certains passages. Et comme à chaque fois je suis ressorti dans un état quelque peu lunatique, sous l’effet des notes de musique et des éclats de voix.
Et puis, je suis toujours aussi coi devant ces chanteurs et leur performance, réalisée sans filet aucun et j’imagine terriblement complexe techniquement. Bon et puis je dois avouer qu’il y a une chose que je leur envie – à mettre sur le compte d’un fantasme mégalomaniaque sans doute – les applaudissements nourris, voire les vivats, du public. Ca doit être jouissif. Pourtant les stars de variétés ou les hommes politiques se font aussi applaudir par de telles audiences, voire beaucoup plus larges. Mais à l’opéra, l’intensité et la sincérité du mouvement me parait tout autre, peut être parce qu’il y a toujours cette part d’inconnue tant dans la performance que le chanteur va réaliser que dans la réaction que va avoir le public, sous le coup d’une émotion à fleur de peau, dans les louanges comme dans les lazzis.
En tout cas, une expérience à renouveler, en espérant notamment à l’occasion de la Traviata, à Garnier, en juin.

Un extrait de « Come In Quest'ora Bruna », un des principaux airs de Simon Boccanegra:


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